Pistes pour la messe de la Fête-Dieu
Extrait des propositions du livret « Célébrer la Fête-Dieu » du Service de la Liturgie et des Sacrements (SLS) du diocèse de Liège.
Avec la nouvelle traduction du missel, nous voulions faire redécouvrir l’Eucharistie, « la source et le sommet de toute la vie chrétienne » (Vatican II Constitution sur l’Eglise n° 11). La Fête du Saint Sacrement est l’occasion d’insister sur la beauté de ce sacrement.
L’équipe du SLS a souhaité vous donner des pistes pour vivre cette fête solennelle :
– pour que chacun s’y prépare durant 8 jours,
– pour la messe, un rappel de la dernière Cène, de la mort et de la résurrection de Jésus Christ
– pour une procession
– pour un temps d’adoration.
– pour des prières et des chants
Deux semaines après la Pentecôte, l’Eglise nous invite à fêter le grand mystère de l’Eucharistie par la solennité du Corps et du Sang du Christ (aussi appelée Fête-Dieu ou Corpus Christi) : Jésus se donne à nous sous l’aspect du pain et du vin. De nombreuses paroisses organisaient ce jour-là des processions eucharistiques et des temps d’adoration. Voici quelques conseils pour prier devant Celui qui a donné sa vie pour nous.
Pistes pour la messe
Ouverture avec le chant Dieu est en attente, A 216
C’est la Fête-Dieu. Quand s’achève le temps de Pâques et que nous rentrons dans le temps dit « ordinaire » l’Eglise attire notre attention sur l’extraordinaire de notre ordinaire : c’est l’eucharistie : quand Dieu lui-même se fait proche, quand il nous rejoint sur nos chemins, quand il est en partage à la table où il s’offre.
Entrez, goûtez… Oui, entrons dans notre eucharistie en accueillant cette présence qui relève quand nous faiblissons, cette force qui rend espérance quand nous ployons sous le poids du fardeau. Nous sommes le peuple de Dieu, nous un peuple dans la joie.
Introduction aux lectures :
L’eucharistie nous parvient au terme d’une longue histoire, comme un héritage reçu et transmis ; les lectures de ce jour posent deux jalons de cette histoire. On pourrait presque parler de préhistoire pour la première d’entre elle : un petit fait anodin de l’Ancien testament raconté en quelques versets à peine a pris dans la tradition chrétienne une importance étonnante ; parce qu’on y a vu justement un « ancêtre » de l’eucharistie… Puis nous entendrons Paul nous rappeler le geste fondateur du Christ. Ecoutons…
Introduction à la profession de foi :
L’eucharistie nous entraine dans la communion du Père, du Fils et de l’Esprit d’un même coeur, en Eglise ! L’eucharistie est profession de foi en acte avant de l’être en parole. Laissons pourtant les mots exprimer tout cela. Proclamons notre foi…
Prière universelle et préparation de la table.
Nous proposons qu’aujourd’hui on couple la prière des intentions avec l’apport des offrandes, selon un inspiration de la liturgie orientale qui aime faire ce lien. Le célébrant introduit puis 4 ou 2 lecteurs se succèdent à l’autel, ils montrent le pain ou le vin, puis disent leur phrase ; entre chaque intervention, on chante le refrain d’intention ; après les 4, on encense.
Célébrant : Comme Melkisédek, nous marchons à la rencontre du Seigneur les mains chargées de pain et de vin, mais plus encore le coeur chargé de la vie du monde, avec ses joies et ses peines, ses souffrances et ses espérances.
Lecteur 1 : Avec ce pain, Seigneur, nous t’apportons toutes les faims du monde : les manques de vivre(s), les manques d’amour, les manques de liberté et de vérité et tant d’autres faims… (pause) Voici les faims du monde, nous te les présentons pour que, dans ton amour, tu combles de bien tous les affamés.
Lecteur 2 : Avec ce pain, Seigneur, nous t’apportons tout le travail des hommes : les efforts vers la paix et la justice, vers le partage et la réconciliation et tant d’autres défis… (pause) Voici le travail des hommes, nous te le présentons pour que, par ton Esprit, tu fécondes l’oeuvre des ouvriers du Royaume.
Lecteur 3 : Avec ce vin, Seigneur, nous t’apportons toutes les joies du monde : les étincelles de bonheur, les amitiés échangées, les amours partagées et tant d’autres joies… (pause) Voici les joies du monde, nous te les présentons pour que, dans ta tendresse, tu les habites de ta présence.
Lecteur 4 : Avec ce vin, Seigneur, nous t’apportons toute la souffrance des hommes : sang versé dans des guerres fratricides, dans des violences gratuites, dans des meurtres sordides et tant d’autres souffrances… (pause) Voici les souffrances des hommes, nous te les présentons pour que, par ton Esprit, tu transfigures nos misères et sèches les larmes des affligés.
(On encense)
Prière sur les offrandes :
Voici le pain et le vin, Seigneur, pour la supplication et pour l’action de grâce ; qu’elles montent vers toi de nos coeurs unanimes et confiants, comme cet encens que le souffle de l’Esprit les élève et les emporte en ta Présence, Père des siècles et des siècles.
Introduction au « Notre Père » :
« Donne-nous notre pain de ce jour » C’est avec confiance que nous pouvons demander à Dieu les ressources et les énergies dont nous avons besoin : il est Père ; il exaucera notre prière comme il exauça celle du Christ. Avec les mots du Fils, nous osons dire : Notre Père…
Présentation de la communion
Hier aux rives du lac, quelque part aux confins de l’empire romain… Mais encore aujourd’hui, ici pour nous : autre est le cadre, autre est la forme, mais c’est le même don qui s’accomplit, c’est le même amour qui se manifeste et la même générosité. Heureux les invités au repas du Seigneur, ils seront rassasiés ! Voici le pain de Dieu qui nourrit les affamés et enlève le péché du monde…
Pistes pour l’homélie
Trois propositions pour l’homélie d’Olivier Windels
1. Action de grâce, offrande et sacrifice
Il prit le pain, il rendit grâce… Un geste vieux comme le peuple d’Israël, le peuple de la reconnaissance. Depuis la création du monde, la terre est considérée comme un bienfait permanent pour lequel on n’a donc jamais fini de dire merci.
Plus encore : depuis l’Exode et l’arrivée dans la terre promise et reçue, cette terre et ses fruits sont vus, reconnus comme dons de Dieu. Dès lors pas moyen de passer à table sans lever les yeux au ciel dans une prière silencieuse ou explicite : « Tout vient de toi, Père très bon… » Et nous d’élever le pain comme pour l’offrir en retour : « Tout vient de toi, Père très bon ; que puis-je offrir qui ne vienne de ta main ? »
Offrande donc, mais offrande des mains vides puisqu’elle reconnaît sa pauvreté ; offrande de mendiant puisqu’elle reçoit autant qu’elle offre ou peut-être même plus !
Offrande toute symbolique qui n’a son sens que dans le sentiment qui l’accompagne, dans l’amour qui l’anime…
Offrande où l’on se donne plutôt que de donner quelque chose. Un peu de pain, un peu de vin, qu’est-ce ? Rien, trois fois rien.
Melkisédek, grand-père de tous les prêtres d’aujourd’hui, puisqu’il a compris que ce trois fois rien vaut tant aux yeux de Dieu. Il a compris que l’offrande ne vaut pas par sa valeur marchande : autant de boeufs + autant de taureaux + autant de brebis… Melkisédek, inventeur, presque, de notre eucharistie où le trois fois rien devient pesant du poids de nos vies et de notre reconnaissance.
« Inventeur, presque ? » Parce qu’il y a Jésus Christ bien sûr ! « L’amour, dira-t-il, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices… » Et un peu de pain et un peu de vin deviendront les porteurs de sa passion pour l’homme, de sa passion pour Dieu aussi, pesant du poids de la croix.
Notre eucharistie est au carrefour de ce mouvement où l’on se donne réciproquement.
Admirabile commercium diront les savants et les théologiens, admirable échange :
offrande où l’on reçoit plus qu’on ne donne ;
offrande aux mains vides qui reconnaît tout devoir à la générosité de Dieu ;
offrande où Christ se donne et m’entraîne à me donner à mon tour, en retour ;
offrande toute symbolique de moi-même où l’amour compte plus que la matérialité du pain et du vin.
Et nous prierons incessamment sous peu : « Accepte, Seigneur, notre offrande comme il t’a plu d’accueillir le sacrifice de Melkisédek ton grand prêtre… Offrande prélevée sur les biens que tu nous as donnés. Sacrifice parfait, puisqu’il est celui du Christ. »
Sacrifice parfait quand il devient le nôtre aussi, nous qui, en eucharistie, apprenons à nous donner avec le Christ, par lui, avec lui et en lui…
2. Envoyés, porte-parole et porte-pain
Ils étaient une foule, bien cinq mille hommes, note l’évangile de Luc. Une foule, oui, mais qu’est-ce que cinq mille hommes par rapport à tous les affamés de la terre, par rapport aux affamés de tous les lieux et de tous les temps ?
Ils sont légions à avoir faim hier, aujourd’hui et demain, ici et ailleurs. Faim de pain sûrement mais faim de tant d’autres choses aussi : affamés de justice, de paix, de liberté ; affamés d’affection, d’amitié, de bonheur ; affamés de joie, de sérénité, d’espérance…
Ils sont légions à avoir faim hier, aujourd’hui et demain, ici et ailleurs. Et lorsque nous crions vers le ciel : « Et pour eux, Seigneur, que fais-tu ? » l’évangile nous répond : Donnez-leur vous-mêmes à manger ! Et nous voici apôtres, envoyés, porte-parole et porte-pain.
Car c’est bien de cela dont il s’agit dans l’évangile. Plus que de multiplier les pains, Jésus se multiplie : il se démultiplie en envoyant ses disciples à la rencontre des hommes. Ils seront ses autres bouches pour proclamer la Bonne Nouvelle ; ils seront ses autres mains pour relever les écrasés ; ils seront ses autres pieds pour marcher à la recherche des égarés ; ils seront ses autres yeux pour poser sur les pécheurs son regard de tendresse ; ils seront ses autres oreilles pour entendre le cri des opprimés ; ils seront ses autres coeurs pour aimer chacun du plus grand amour.
En envoyant les apôtres, – les Douze et la multitude de ceux qui prendront la relève, car eux aussi se démultiplieront à travers l’espace et à travers le temps – en faisant naître l’Eglise, Christ assurait la visibilité de sa Présence et de son amour pour le monde, pour tout le monde.
Et que porteront-ils, si ce n’est ce qu’ils ont eux-mêmes reçu ? Porte-parole et porte-pain. Non pas leur parole car ce n’est pas leur parole qui est lumière mais celle du Christ. Non pas leur pain car ce n’est pas leur présence qui nourrit, fortifie et sauve mais celle du Christ. Moi, écrit Paul, je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur.
Restent douze paniers, car Dieu est généreux et donne toujours à profusion. Restent douze paniers, car Dieu voit large, bien au-delà de la foule rassemblée au bord du lac, si nombreuse soit-elle. Restent douze paniers, un par apôtre : le compte est bon ; ils peuvent partir, leur panier sous le bras, et nourrir du Christ les foules affamées de Dieu.
C’est saint Irénée qui commentant le récit des noces de Cana où Dieu fait preuve d’une pareille prodigalité généreuse et débordante ; C’est saint Irénée qui s’écrie : « Ont-ils tout bu ? » Et de répondre « Non ! Nous en buvons encore ! » De la même façon ici on pourrait s’exclamer : « Ont-ils tout mangé ? » Et de répondre ici encore : « Non ! Nous en mangeons encore ! »
Ce jour-là, ils n’ont pas tout mangé pour que nous en ayons aujourd’hui notre part. Car Christ ne cesse de multiplier les pains pour nourrir les affamés. Christ ne cesse de se donner comme on donne du pain pour fortifier. Christ ne cesse de dire sa Présence et de proclamer sa Parole dans l’Eglise et par l’Eglise. Christ ne cesse de se multiplier pour aller à la rencontre de tous les hommes.
Chaque eucharistie où nous recevons le Christ, sa Parole et son Pain nous fait porte-Christ, porte-parole et porte-pain, apôtres envoyés vers nos frères affamés. Donnez-leur vous-mêmes à manger !
3. Eucharistie, sacrement du Vivant
« Chaque fois, écrit Paul aux corinthiens en parlant de l’Eucharistie, vous proclamez la mort de Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. »
Ainsi l’Eucharistie est-elle le sacrement du départ. Celui du Christ sans doute qui, avant de les quitter, donne à ses disciples ce signe inégalable de sa présence car son départ ne signifie pas absence mais mystérieuse présence livrée au coeur aimant : « Je suis avec vous tous les jours » a-t-il promis. L’Eucharistie en témoigne : le Christ est là avec nous, le Christ est un vivant !
Et c’est pour cela peut-être que l’Eucharistie devient aussi sacrement des autres départs, de ceux qui quittent aussi ce monde emboîtant le pas du Ressuscité. De ceux-là aussi, l’Eucharistie atteste la présence secrète, mystérieuse. L’Eucharistie nous apprend à reconnaître la Vie avec un grand V même quand elle est cachée sous le boisseau de la mort. L’espace d’un instant, le temps d’un sacrement, une brèche s’ouvre dans l’épaisse gangue de la terre et quelque chose de la clarté du ciel se donne à voir, comme une porte entrouverte laisse passer un filet de lumière et donne d’entrapercevoir la face cachée de la Vie.
Oui, résolument, l’Eucharistie est bien le sacrement du Vivant et donc le sacrement des vivants. C’est pour cela que l’Eucharistie nous apprend à vivre car elle manifeste, dans la discrétion du signe, c’est vrai, le vrai visage de la Vie et sa densité et son éternité aussi !
Elle est donc sacrement d’espérance : quand la vie semble fuir et s’étioler, quand la maladie, le malheur s’insinuent et semblent la menacer, quand la mort fait son travail de sape quotidien, l’eucharistie restaure, réveille la vie ou, à tout le moins, ouvre une perspective qui, malgré l’obstacle et l’accident et le malheur, laisse filtrer une lumière de résurrection. Une résurrection qui n’est pas réservée à un ailleurs, à un après, à un au-delà ; c’est elle déjà qui guérit, relève, soulage nos corps et nos coeurs d’hommes quand du moins nous prenons le parti du Christ. Car c’est bien cela la Bonne Nouvelle, la seule, la vraie, qui traverse la vie de Jésus de part en part, dans sa parole et dans ses actes, dans sa mort aussi et dans le geste du pain partagé qui l’annonce : quand rien, non rien de rien, ne met Dieu en échec dans son projet de bonheur pour l’humanité et que vivre peut s’écrire dans l’éternel présent de Dieu !
L’Eucharistie ? C’est contempler le Christ qui se donne par amour et débusque ainsi et révèle ainsi un chemin de Pâques. L’Eucharistie ? C’est s’engager résolument à sa suite, après tant d’autres qui comme des frères aînés nous précèdent sur la route, une route d’aimer, une route de Vie.