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Histoire de la Confrérie

CONFRÉRIE DU SAINT-SACREMENT
par Jean-Pierre DELVILLE, Professeur au Grand Séminaire, et depuis lors, Professeur d’histoire à l’UCLouvain et évêque de Liège.

L’histoire d’une église ne se limite évidemment pas à l’étude du bâtiment et à la vie du clergé : il faut aussi connaître les fidèles qui la fréquentaient et ce qu’ils y cherchaient. Mais souvent, les sources manquent à ce sujet. Une exception surgit cependant quand les chrétiens se regroupent en confrérie: les registres de celle-ci forment une documentation exceptionnelle, car elle reflète l’activité des fidèles (1). C’est le cas pour la collégiale Saint-Martin, qui fut à partir de 1575 le siège d’une importante confrérie dont l’activité perdura jusqu’au milieu de ce siècle-ci.

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Qu’est-ce qu’une confrérie ? C’est une association érigée par l’autorité ecclésiastique pour promouvoir la perfection religieuse de ses membres par l’exercice de l’amour du prochain et du service de Dieu. Cette définition devrait être nuancée si elle visait les confréries médiévales : celles-ci ne sont pas toujours érigées par l’autorité religieuse, mais par les laïcs eux-mêmes; et elles réunissent souvent des gens d’une même profession. À l’époque de la Réforme – et dès avant le concile de Trente -, apparaît un nouveau type de confrérie: pour rendre cohésion aux catholiques, le clergé fonde des confréries de grande ampleur, regroupant hommes et femmes de toutes professions, autour d’une dévotion typiquement catholique, par exemple le culte de l’eucharistie ou celui de la Vierge Marie. Et pour favoriser l’orthodoxie de ces groupements nouveaux, on les affilie à une archiconfrérie située à Rome, qui leur transmet ses règlements et ses privilèges. C’est ce qui va se passer dans le cas de Saint-Martin.

  1. Fondation de la confrérie

Le romantisme un peu rêveur du XIXe siècle a conduit le doyen Cruls à affirmer que la confrérie du Saint-Sacrement à Saint-Martin « date de l’origine même de la Fête-Dieu » et qu’elle serait ainsi probablement la plus ancienne du monde (2). Les confrères de 1579 n’étaient pas du tout de cet avis-là ; ils avaient bien conscience de prendre une initiative inédite et sentaient même le besoin de s’excuser d’y penser si tard. Les documents de fondation ont, en effet, été conservés et de nombreuses publications en ont diffusé le contenu (3).

Nous y découvrons que, en décembre 1573, le chapitre de Saint-Martin a envoyé à Rome, à l’archiconfrérie du Saint-Sacrement (fondée en l’église de Sainte-Marie-sur-Minerve) le clerc Augustin de Bloquerie, avec procuration des chanoines, « pour ériger une confrérie du très saint corps de notre Seigneur Jésus-Christ dans la collégiale Saint-Martin de Liège » (4). En effet, en 1539, le pape Paul III avait érigé en cette église romaine l’archiconfrérie en question, avec mission d’y recevoir l’affiliation de confréries du monde entier. Il lui accordait de nombreuses indulgences, dont tous les affiliés pouvaient profiter. Mais pourquoi le chapitre de Saint-Martin a-t-il tardé 34 ans pour s’y inscrire ? C’est le règlement de 1575 qui nous donne la réponse : l’institution de la confrérie, c’est ce « que nous ancestres avoient de longtemps cy devant pourpensez et deliberez de faire, si nostre Eglise, venant en decadence desia longtemps pour sa grande vieillesse et pour ses tristes ruines, devenue toute deffigurée et contemptible, ne les eust de ce retardé et empesché leur entreprinse. Mais maintenant, icelle estante restaurée et du fond en comble toute renouvelée, faite plus ample et beaucoup plus magnifique que jamais auparavant n’avait esté, enflambez du zele de Dieu et ferveur de dévotion, avons mis peine et diligence, par l’authorité du saint Siège Apostolique, d’advancer, dresser et instituer une Compaignie et Confraternité, à l’honneur du très-sacré corps de nostre Seigneur Jesu-Christ ou du venerable Sacrement de l’autel, en nostre dite Eglise de S.Martin (…) laquelle Confraternité, aucuns souverains Pontifs Romains ont de beaucoup certes et de tres-grandes indulgences et graces, ornée, enrichie et honnorée » (5). L’affiliation à l’archiconfrérie fut conclue le 22 décembre 1573 et la communication des privilèges fut publiée le 8 mars 1575. L’approbation du règlement fut décidée à Liège le 9 septembre 1575, par les chanoines, le 18 décembre par les chapelains. La première messe de la confrérie fut chantée le 3e dimanche de janvier 1576 (6) après la messe du Saint-Esprit le dimanche 18 décembre 1575.

Il s’agissait donc, après avoir reconstruit l’église, de reconstruire l’Église, en rassemblant les chrétiens autour d’une dévotion typiquement catholique, promue par le Saint-Siège, et favorisant les grands rassemblements, dans une collégiale désormais reconstruite, mais sans public fixe, puisque non-paroissiale. L’entreprise a dé être discrètement dirigée par le doyen d’alors, Jacques d’Urso, qui était des « mieux versés en la cour romaine et en droit canon » (7). Elle était certainement destinée aussi à empêcher la venue du protestantisme dans nos régions ; c’est ce que suggère le chanoine Fanius, écrivant vers 1580 et présentant cette fondation comme faisant suite à la destruction des reliques de saint Martin à Tours en 1562, par les calvinistes, « lorsque la France estoit toute abbreuvée et couverte du sang des prestres, martirs et autres bons catholiques » (8). Même suggestion, dans l’Ode au peuple liégeois, où Le Ruite parle de ceux qui déniaient la présence du Christ dans l’hostie, « Non moins qu’encor fait maintenant Le Calviniste tres-meschant » (9).

  1. Les avantages des confrères : les indulgences

Ce qui attire un confrère ou une consœur, c’est le grand nombre d’indulgences (10) que confère l’inscription à la confrérie. En effet, le principe de l’affiliation à une archiconfrérie, permet de gagner, sans aller à Rome, les indulgences qui sont attachées à la visite des sanctuaires romains. Ainsi l’archiconfrérie du Saint-Sacrement attribuait, selon le Motu Proprio de Paul III, de 1539, l’indulgence plénière trois fois dans la vie. Les circonstances sont précisées par Grégoire XIII : lorsque, après s’être confessé et avoir communié, on entrait dans la confrérie; lorsqu’on participait à la Fête-Dieu ou à son octave; et à l’article de la mort. L’assimilation aux sanctuaires romains permettait en plus d’obtenir l’indulgence plénière en participant à la procession de l’Octave de la Fête-Dieu; ou en donnant 10 écus-or aux pauvres. Grégoire XIII y ajouta le 6 août 1583 les indulgences qu’on pouvait gagner en visitant les stations romaines, c’est-à-dire les églises où le pape célébrait à certains jours déterminés. Il suffisait de visiter aux mêmes jours la chapelle du Saint-Sacrement et d’y prier selon les normes prévues (11). De plus, on bénéficiait de 7 ans si on visitait l’autel du Sacrement un vendredi (et le jeudi saint) et de 10 ans si on participait à la messe du jeudi ou du 3e dimanche du mois et qu’on y communiait. Ces indulgences furent confirmées pour vingt ans (12) par Clément VIII le 29 mars 1594, et prorogées à perpétuité (13) par Paul V en 1614. Ce dernier ajoute 60 jours d’indulgence pour toute Œuvre de bienfaisance aux pauvres. Urbain VIII ajoutera une nouvelle indulgence en 1627 : pourvu qu’on célèbre dix messes par jour à Saint-Martin, le prêtre qui célèbrera à l’autel du Saint-Sacrement pourra obtenir, le lundi, une indulgence plénière, applicable à qui il voudra (14).

  1. L’admission des confrères

Le confrère qui s’enrôle dans la confrérie prend divers engagements. Ceux-ci sont décrits dans trois règlements successifs (15) : 1575, 1627, 1723. L’objectif de l’association en 1575 est de promouvoir « la plus décente révérence » du saint Sacrement (16) : il s’agit d’honorer la présence du Christ au tabernacle, par un luminaire, une bonne décoration et par la promotion d’une attitude de respect; il s’agit aussi d’accompagner le saint Sacrement lorsqu’on le porte aux malades (17). Par contre, le nouveau règlement de 1723 centre l’objectif sur un aspect plus spirituel : il s’agit de promouvoir « la dévotion des fidèles à l’égard de cet auguste et adorable Mystère » (18).

À son entrée, le membre doit faire profession de foi catholique, en particulier pour ce qui concerne la foi en l’eucharistie. La cérémonie est solennelle : « L’on s’assemblera en la chapelle du S.-Sacrement, où ceux qui se présenteront pour estre admis, humblement se prosterneront en genouils devant l’autel et le prestre, revestu en linge, à savoir d’aulbe ou surplys, avec une estole, leur demandera a quelle fin et intention qu’ils sont la venus (…). Il s’enquestera et s’informera de leur foy et croyance qu’ils ont envers ce sacrement » (19). L’interrogatoire qui suit, très précis, vaut une vraie leçon de théologie sacramentaire. Le candidat reconnaît en particulier : « quant aux lays, que nullement ne leur est nécessaire la communion de toutes les deux especes » (20), alors que la communion au vin se pratiquait encore à Liège aux grandes fêtes jusqu’à la fin du XVIe siècle (21). Après ce serment, on récite le psaume 132 : « Qu’il est bon et agréable d’habiter ensemble en frères (…) » ; puis quelques prières précèdent la bénédiction finale. En 1627, cet interrogatoire n’est plus qu’évoqué; en 1723, il n’est plus mentionné. Le membre est alors inscrit au registre (22). En 1627, on ajoute : « chaque sexe séparément, afin d’en voir le nombre, surtout depuis qu’on a relevé de terre le corps d’Eve la recluse ». Le droit d’entrée en 1575 pour un chanoine de Saint-Martin est d’un florin brabant; pour les chapelains et le personnel, de 7 patars. « Les autres (…) ne seront à nulle certaine quoete à payer taxez, mais on les pourra doucement et courtoysement admonester, que selon les moyens ou portance de leurs biens et facultez, ils veuillent (…) donner et eslargir par zele de devotion, quelque chose, ce qu’il leur plaira » (23). En 1723, on verse une offrande annuelle, pour avoir son flambeau disponible à l’église (24).

  1. Devoirs des confrères

Les confrères reconnaissent des protecteurs : en 1575, l’abbé de Saint-Laurent, le prévôt et le doyen de Saint-Martin, en 1723, le prince-évêque. Mais ce sont deux maîtres qui dirigent la confrérie, élus par le chapitre pour deux ans; en 1575, ce sont les chanoines Jean Militis et Guillaume Fanius (l’auteur du petit traité, transmis par Le Ruite, sur l’origine de la Fête-Dieu (25)). En 1723, il y a 8 maîtres : deux chanoines, deux laïcs, le prévôt et le doyen, les deux bourgmestres de Liège. Les maîtres doivent gérer toutes les affaires de la communauté et, en particulier, régler les contentieux; s’ils n’y arrivent pas, ils en réfèrent au chapitre. Ils contrôlent aussi les finances : l’un d’entre eux est trésorier et expose l’état des comptes au chapitre, chaque année, 15 jours après l’Octave de la Fête-Dieu (26). En 1723, par contre, le caissier doit être un laïc.

Les obligations des confrères sont assez réduites : ils sont tenus d’assister munis de leur torche à la messe solennelle avec procession, célébrée le vendredi, lendemain de la Fête-Dieu, sous peine de deux patars d’amende (ceci est omis en 1723). De plus, il leur est recommandé d’assister aux sermons de l’Octave de la Fête-Dieu (1627). Ils sont aussi instamment invités à participer à la messe solennelle du 3e dimanche du mois, célébrée en la chapelle du Saint-Sacrement; ils porteront leur torche à la procession qui s’ensuit et qui fait le tour des cloîtres (27). Autre obligation : réciter chaque semaine cinq Pater et cinq Ave en l’honneur de l’Eucharistie (omis en 1723). Lorsqu’un confrère est mourant, on accompagne avec un flambeau le prêtre qui lui porte la communion (1585); on célèbre pour les confrères défunts une messe annuelle (1585 et 1627); en 1723, on célèbre 4 messes le jeudi après la mort d’un confrère. Remarquons enfin qu’il n’y a aucune vie communautaire, ni assemblée générale, mais simplement une invitation à la bonne entente, car l’eucharistie est « signe d’union, lien de charité, la marque et symbol de concorde » (28).

Le règlement de 1723 laisse apparaître une évolution. Les exigences sont moins fortes : plus de serment de foi ni de prières hebdomadaires exigés, plus de participation obligatoire à la procession du lendemain de la Fête-Dieu, plus d’invitation à accompagner le Saint Sacrement avec un flambeau; un certain élitisme apparaît : quote-part quasi exigée, présence des bourgmestres parmi les maîtres, messes personnelles pour chaque membre décédé. Cette évolution sera corroborée par l’analyse du recrutement.

  1. Le recrutement

« Un chacun engagera, autant qu’il sera en son pouvoir, ses proches, amis et parens, de se faire enrôler dans ladite Confrairie, afin de les rendre participans des graces qui lui sont octroyées » (29). Cette émulation suggérée par le règlement de 1627 va porter ses fruits : la confrérie comptera bientôt plus de 500 membres. C’est dans ce même esprit que, en 1622, s’inscrivait à la confrérie l’infante Isabelle d’Espagne « pour pouvoir mériter les Indulgences et pardons accordés à icelle » (30). Un siècle plus tard les motivations sont différentes : Louis XV écrit en 1738 aux chanoines : « Nous nous sommes portés volontiers à condescendre au désir que vous avez marqué avoir qu’il nous plét d’accepter le titre de Protecteur de la Confrérie du Saint Sacrement ». La reine de France assure qu’elle tiendra toujours à l’honneur de ce titre de protectrice. Le cardinal de Fleury écrit aux chanoines : « Je suis bien flatté de l’honneur que vous me faites d’y mettre mon nom » (31). La Confrérie est devenue un club honorifique ! En 1741, elle ne compte plus que 74 membres. D’où vient cette métamorphose ?

Un document important nous aide à faire le point de la question. C’est un registre de 1656 où sont notées les inscriptions de confrères jusqu’en 1694 (32). L’analyse n’en est pas toujours facile : l’orthographe des noms de personnes peut varier d’une année à l’autre; parfois, on y ajoute le titre, l’état civil, la profession, le lieu d’habitation, mais assez rarement. Les données les plus séres sont le nombre d’inscriptions annuelles, d’hommes et de femmes; nous omettons de ce total les collectivités, dont le nombre est imprécis et qui se laissent inscrire par une seule personne : les familles (25 à 35 par an), le couvent des jésuites, les moines de Saint-Laurent et les chanoines de Saint-Martin. Ces collectivités devraient faire monter de 150 à 200 personnes le chiffre absolu d’inscriptions annuelles. Indépendamment d’elles donc, on aboutit à un total de 15.452 inscriptions annuelles en 39 ans, soit une moyenne de 396 personnes par an. Les inscriptions de femmes sont au nombre de 12.729, soit 326 femmes en moyenne par an, c’est-à-dire 82,37 % du total. La courbe de variation des inscriptions montre deux sommets : d’abord autour des années 1656 (580) à 1661 (501); puis autour des années 1687 (529), 1689 (599) et 1690 (592). Entre des deux sommets, soit de 1662 à 1672, on tourne autour de 400-450 inscriptions; de 1673 à 1685, autour de 350 (cf. tableau 1).

Quelques éléments d’histoire générale peuvent être mis en rapport avec ces chiffres. La haute conjoncture de 1656-1661 correspond à une période de paix dans la principauté, après les affrontements entre Chiroux et Grignoux (1636-1649), écrasés par le nouvel évêque Maximilien-Henri de Bavière (33); de même, la période plus dépressive (1673-1685) correspond au moment de révolution liégeoise (1676-1684), qui aboutira au règlement de 1684. La haute conjoncture qui suit (1687-1690-1694), correspond au règne du Liégeois Jean-Louis d’Elderen (1688-1694) d’ailleurs inscrit personnellement à la confrérie. Il semble donc que la prospérité de celle-ci soit en lien avec la paix sociale dans la principauté. D’autre part, d’un point de vue d’histoire religieuse, on peut noter que la décennie 1650-1660, prospère pour la confrérie, correspond à un sommet dans les fondations de confréries nouvelles (34) dans le diocèse, et dans l’intensité des visites pastorales dans les paroisses (35). Autour des années 1690, autre sommet pour la confrérie, on note un seul fait saillant en matière de pratique religieuse : le nombre impressionnant de fondations d’ermitages (14 entre 1680 et 1700, contre 5 entre 1660 et 1680, 3 entre 1640 et 1660) (36).

Le nombre et la proportion des femmes dans la confrérie est tout-à-fait caractéristique : elles forment les 82,37 % de l’effectif total; ce pourcentage est régulier; il baisse cependant un peu en 1687 (76,38 %) et se maintient à ce niveau jusqu’en 1694. Mais, en chiffre absolu, les femmes augmentent nettement leur nombre entre 1687 et 1694. Les inscriptions de religieuses sont au nombre de 342, soit 2,2 % du total des inscriptions. Pour les hommes, le nombre de leurs inscriptions est de 2723, soit 17,63 %; si on soustrait les inscriptions émanant du clergé (621, sans compter les chanoines de Saint-Martin, qui sont inscrits à part, de manière peu claire), il reste 2102 inscriptions de laïcs, soit 13,74 % : c’est peu. Le schéma d’une année moyenne est donc le suivant : sur 396 membres, on a 317 femmes laïques, 9 religieuses, 54 hommes laïques et 16 membres du clergé.

Si l’on regarde la fréquence des inscriptions, on constate qu’il y a beaucoup de mobilité dans la confrérie. Pour un chiffre habituel de 396 personnes l’an, il y a 180 personnes qui ne s’inscriront qu’une seule année, soit 45 %; 68 s’inscriront deux années, soit 17 %; 22 s’inscrivent trois années, soit 6 %; celles qui s’inscrivent entre 4 et 21 années sont de 9 à 4 par tranche annuelle; il reste en moyenne 4 personnes qui réalisent le score de 22 à 34 inscriptions. Il s’agit donc d’une confrérie qui se renouvelle beaucoup, malgré la présence d’un noyau dur de personnes fidèles. Remarquons que les chanoines sont exclus de ce chiffre parce qu’ils sont inscrits automatiquement et qu’il n’est pas facile de vérifier sur leurs listes (Registre, p.346-357) qui paie effectivement la quote-part annuelle. De même, sont exclus de ces nombres toutes les personnes dont on ne cite pas le nom et qui sont inscrites par des tiers avec les mots frère, sœur, épouse, famille, etc.(cf. tableau 2).

On arrive ainsi à une moyenne de 4,77 années d’inscription par individu. La confrérie a réuni, entre 1656 et 1694, un ensemble d’environ 3235 personnes différentes, citées nommément, 570 hommes et 2665 femmes (cf. tableau 3).

  1. Les professions et les milieux sociaux

Les annotations éparses dans le registre permettent de repérer la profession ou le statut social de 374 personnes. On remarquera très vite, d’après le tableau 4, que seuls trois milieux sont concernés : le clergé, les gens de robe et les hauts niveaux de l’administration. Il s’agit aussi dans la plupart des cas d’hommes et non de femmes sauf 82 religieuses. On connaît donc la profession de 374 personnes sur 3235, c’est-à-dire 11,5 %, et de 292 hommes sur un total de 570, c’est-à-dire 51 %. Il est difficile de savoir si les 49 % restants proviennent d’un milieu différent et qu’on taise leur profession, ou s’ils proviennent du même milieu; cette seconde hypothèse, en l’absence de toute indication contraire, me paraît la plus plausible. Il s’agit donc d’un milieu assez homogène, se recrutant dans l’élite de la société. Voyons ce qui apparaît en première analyse.

Le milieu ecclésiastique est très présent : avec les religieuses, il compte 205 personnes sur 374, soit 54 %; si on ajoute les 67 chanoines de Saint-Martin (37), on arrive à 271 personnes, soit 72 % des personnes dont on connaît la profession ! Les plus réguliers sont les chapelains ou bénéficiers de Saint-Martin; ils s’inscrivent personnellement, en moyenne 6,69 fois chacun, contre 4,60 pour l’ensemble des professions connues. On notera les records de Henri Gilbert (32 inscriptions) et de Lambert Theobaldi (22 ins.). Les chanoines des autres collégiales ne s’inscrivent qu’avec réserve, mais plusieurs de leurs doyens sont réguliers : Nicolas Contraire, doyen de Saint-Barthélemy (10 ins.) ; Léonard Lyntermans, de Sainte-Croix (9 ins.), puis son successeur Eustache Strecheus (25 ins.) ; Jean Lyntermans, doyen de Saint-Jean (3 ins.); Jean Blavier, doyen de Saint-Paul (5 ins.), Guillaume Louvrex, doyen de Saint-Denis (22 ins.). Ce sont les membres des trois collégiales les plus rapprochées qui s’inscrivent le plus : Sainte-Croix (48 inscriptions) Saint-Pierre (35 ins.), Saint-Jean (26 ins.). Parmi les neuf curés, les plus proches sont aussi les plus assidus, Wayon (15 inscriptions) et De France (1 ins.) de Sainte-Marguerite, Servatii (5 ins.) et Nassogne (2 ins.) de Saint-Séverin; la palme revient cependant au curé de Hozémont, Petitjean (17 inscriptions). Les religieux sont peu nombreux; notons cependant que les Pères jésuites s’inscrivent chaque année en bloc.

Les religieuses (82 ins.) proviennent pour la plupart du béguinage de Saint-Christophe : 17 sœurs de cet enclos s’inscrivent régulièrement, particulièrement la prieure Catherine Furnau (de 1656 à 1674), Gertrude de Comblin (1656-1670), Marguerite de Somme (1656-1672). Deux béguines proviennent de Saint-Antoine et sont très régulières : Anne Stockis (1656 à 1671) et Angèle Noulman (1665 à 1691); une est de Saint-Adalbert, Catherine d’Oupeye (1656-1694); une de Saint-Martin : Marguerite Delcourt (1679 à 1693); une du béguinage de Saint-Abraham, Danide de Briamont (1656-1659). Un couvent s’inscrit régulièrement : celui des tertiaires franciscaines, dites pénitentes, de N.-D. de Lorette à Hocheporte (1681 à 1694). On voit apparaître aussi le couvent N.-D. des Anges avec Jeanne-Marie Bonhomme, entre autres (1689), une sœur grise (Théodore de Grâce, 1673-1683), une religieuse des Bons-Enfants (Marie Marcelis, 1658-1660), des clarisses urbanistes (Sur-la-Fontaine : p.ex. Jeanne Justin, 1669-1694), une prébendière de Cornillon (Anne Inghels, 1656-1671), une Dame anglaise (Jeanne Berto, 1691), une conceptioniste (Anne-Marie Blocqueau, 16561663), une sépulchrine (Jeanne Dorothée, 1694), une cistercienne de Robermont (Barbe Le Rond, 1672), une célestine (Marie Ponsar, 1660-1663), et d’autres sans indication de congrégation.

Les gens de robe sont particulièrement bien représentés : les avocats d’abord, au nombre de 72, parmi lesquels Nicolas Beeckman (1658 à 1668, puis sa veuve jusqu’en 1685), Oger Beeckman (1656 à 1668, sa veuve jusque 1683), Gerard Massin (1668 à 1675, sa veuve jusqu’en 1691), Billemontius (1671-1681), Libert Boesmans (1656-1670), Jacques de Saive (1668-1694), Gerard Hustin (1684-1694). Plusieurs d’entre eux sont apparentés à des chanoines de Saint-Martin. Une étude approfondie permettrait de discerner jusqu’à quel point les réseaux de parenté jouent dans le recrutement de la confrérie. Ainsi, la veuve de l’avocat de Rie, née Boesmans, inscrite de 1656 à 1672, était parente du bénéficier Gilles Boesmans (inscrit en 1664-1665) et du chanoine Jean Boesmans, élu doyen en 1692; et l’avocat Gilles Beeckman habitait carrément dans les cloîtres de Saint-Martin en 1651, d’après le relevé pour l’impôt sur les vitres 38. Dans la même ligne, on découvre aussi une série de procureurs (62 inscriptions), de prélocuteurs (51), de notaires (16), de parliers (9), de greffiers (9) et de sentenciers (6). Relevons simplement deux fidèles : Jean-Paul Halingh, prélocuteur ou parlier, inscrit de 1668 à 1684, puis sa veuve inscrite jusqu’en 1694; il doit être parent d’Ida Halingh, veuve de Pierre Bex, ancien bourgmestre; et Nicolas Fassin, inscrit de 1680 à 1694, époux de Marie Blavier, parente du doyen de Saint-Paul, Jean Blavier. Ce milieu des prélocuteurs est particulièrement fidèle : ils s’inscrivent en moyenne 8,5 fois. Le doyen Thomas de Sclessin (de 1643 à 1678) est l’incarnation vivante de cette couble appartenance : il était d’abord conseiller de la cour fédodale, marié avec Anne Radoux. Puis devenu veuf, il se fit chanoine de Saint-Martin (note 39).

Un troisième milieu a de nombreuses accointances avec les deux précédents, c’est celui de la politique et de l’administration, dont proviennent 82 personnes. Le plus caractéristique est la présence de bourgmestres ou de leur veuve : onze personnes, atteignant une moyenne de 11 inscriptions par personne, record absolu de la fidélité calculée selon les professions. On rencontre ainsi François de Looz, compteur de Saint-Martin, inscrit de 1665 à 1687, devenu bourgmestre en 1680; Mathias de Grady, inscrit avec sa famille de 1666 à 1689, bourgmestre en 1665, 1672, 1684, auteur du Discours de droit moral et politique paru à Liège en 1676; la veuve Hadin, fille de Guillaume de Beeckman, qui fut six fois bourgmestre, inscrite de 1656 à 1683; Etienne Rossius, bourgmestre en 1659, inscrit par sa femme Isabelle de Sclessin de 1656 à 1687; Ida Halingh, veuve du bourgmestre Pierre Bex, décapité en 1651, inscrite de 1656 à 1672; Edmond Vanderheyden a Blisia, inscrit de 1658 à 1670, bourgmestre en 1658, 1663 et 1668; Arnould Butbach, inscrit en 1664; Léopold Bonhomme, inscrit en 1689. Ces bourgmestres devaient certainement trouver dans les réunions publiques de la confrérie un lieu de contact intéressant pour leur image de marque. Sont-ils d’une même tendance ou non ? Seule une analyse politique des milieux liégeois pourrait le dire (40). Les échevins font partie du même milieu; on relève en particulier Gilles Beeckman (de 1665 à 1671), Pierre Bex (1687 à 1691), de Charneux (1664 et 1665), de Fléron (1686 à 1690), Vandensteen (1656-1688). Rappelons la présence de trois baillis, trois capitaines, deux lieutenants et deux colonels (cf. tableau 4) ; et de quelques « maîtres » : deux docteurs, un apothicaire.

Tout cet échantillon du gratin liégeois pourrait faire l’objet d’une analyse précise, d’identification des personnes et des familles. Les recherches déjà faites montrent en tout cas l’existence de réseaux de familles, où tel est chanoine, tel est avocat, tel est échevin.

L’exemple le plus frappant est celui de la famille de Méan (41). De 1666 à 1675, on trouve l’inscription de Philippe, chanoine de la cathédrale; de 1672 à 1674, s’inscrit son frère Charles, jurisconsulte, bourgmestre de Liège en 1641 et 1646; et de 1675 à 1677, son autre frère, Laurent, chanoine à la cathédrale; les fils de Charles vont jouer un rôle important dans la principauté: Pierre, l’aîné, s’inscrit de 1681 à 1693, il est conseiller à l’État noble dès 1661 et président du Conseil ordinaire en 1693; Jean-Ernest devient chanoine de Saint-Martin; Guillaume prévôt de St-Martin; Jean-Ferdinand, écolâtre de la cathédrale en 1682, doyen en 1688; il joue un rôle important dans la principauté; Emile-Laurent remplace son oncle à la cathédrale. Les quatre frères chanoines s’inscrivent souvent ensemble à la confrérie, de 1675 à 1694. La famille est anoblie dès 1648 : elle vit une ascension sociale typique dans le courant du siècle. C’est d’elle que sortira le dernier prince-évêque de Liège, d’abord prévôt de Saint-Martin, plus tard archevêque de Malines : François-Antoine de Méan.

Si beaucoup de membres de la confrérie sont du patriciat, on rencontre cependant parmi eux peu de nobles titrés : le seul qui s’inscrive régulièrement, outre le prince Jean-Louis d’Elderen en 1689 et 1690, est Raso, comte de Rivier d’Aerschot, de 1680 à 1689. La confrérie réunit donc un milieu de haute bourgeoisie, mais peu de haute noblesse.

Se limite-t-elle à ces milieux ? Peut-être pas, car elle a aussi une implantation locale, et dans les 326 femmes qui s’inscrivent annuellement sans citer aucun titre ou fonction, il doit y avoir des gens de milieux plus simples, on va le voir. Par contre, au XVIIIe siècle, cet aspect des choses disparaît. En 1741, en effet, le comptable, Larmoyer, dresse une nouvelle liste (42) tenue jusqu’en 1749 (cf. tableau I ) : le nombre de confrères s’est réduit et stabilisé entre 63 et 77. La confrérie reprendra un nouvel essor durant le XIXe siècle. Elle publie ainsi en 1811 et 1820 un Tableau des confrères et consœurs, où l’on relève 374 noms. Les registres resteront impeccablement tenus jusqu’en 1938.

  1. La répartition géographique

D’où proviennent ces milliers de personnes inscrites entre 1656 et 1694 ? Si l’on se contente des indications éparses fournies dans le registre-même, on aboutit déjà à des conclusions significatives. Voici ce qu’un premier relevé des inscriptions renseigne :

St-Séverin                 308                 St-Remacle-en-Mont          25

Ste-Marguerite         133                 St-Remy                                17

St-Servais                 103                 La Madeleine                       14

St-Michel                   87                   St-Pholien                            12

St-Hubert                  80                   St-Nicolas-Outre-Meuse    10

St-André                    53                   St-Nicolas-au-Trez              9

St-Clément               41                   St-Jean-Baptiste                  6

St-Etienne                40                   St-Georges                           2

St-Thomas                36                   St-Nicolas-aux-Mouches   1

Ste-Aldegonde         35                   Ste-Ursule                            1

Ste-Catherine          31                   St-Gangulphe                      1

St-Adalbert                30                   St-Remacle-au-Pont           1

N.D.-aux-Fonts        26                   Ste-Vérone                           1

Deux conclusions s’imposent au vu de ce tableau. D’une part, la confrérie recrute dans toute la ville, mais guère au-delà : il n’y a que quelques rares exceptions émanant de l’extérieur. D’autre part, les paroisses les plus proches sont celles qui fournissent le plus d’inscriptions; la confrérie a donc bien une implantation dans la population locale, indépendamment de son standing. C’est peut-être ce double recrutement qui fait sa force au XVIIe siècle, alors qu’au XVIIIe siècle, elle se limitera au patriciat.

  1. Quelques événements entre 1575 et 1765

En 1598, quand Le Ruitte publie sa traduction de la vie de sainte Julienne, il n’oublie pas la confrérie : « Me trouvant comme Confrere obligé à l’honneur, proufit et avantage d’icelle, n’ay voulu aussi omettre, en faveur des confrères et sœurs n’entendants la langue latine (…) d’adiouster a ceste nostre histoire (…) les Indulgences traduites en françois, statuts, reigles et ordonnances d’icelle Confraternité » (43). Ce qui nous a valu de bien connaître le fonctionnement de l’association.

En 1614, les indulgences sont renouvelées; le règlement, en 1627. En 1656 le registre des inscriptions est commencé. La confrérie a pris sa vitesse de croisière et est promue en 1676 par le P. Frédéric FORNERE, dans son ouvrage sur l’Institution de la solemnité du (…) sacrement de l’eucharistie (…). Les faveurs et privilèges du ciel à l’endroit de sa confrairie, paru à Liege chez Danthez. En 1687, on découvre une nette recrudescence des inscriptions. Quelque chose bouge durant ces années : en 1686, le chapitre a décidé d’instaurer chaque jeudi l’adoration du Saint Sacrement, dans la chapelle lui consacrée, de six heures du matin à six heures du soir; il y avait grand-messe, puis sermon d’une demie-heure par un orateur ecclésiastique de la ville. Deux chanoines se relayaient en adoration toute la journée. À la fin de l’adoration, le chœur d’enfants chantait les litanies du Saint-Sacrement, puis l’0 Salutaris Hostia, cette « antienne si pieuse et au chant si agréable », pendant qu’on ramenait processionnellement le Saint Sacrement au tabernacle du chœur (44). Beaucoup de monde se rendait à cette journée d’adoration, au point qu’en 1700, le chapitre demande à Rome la permission de chanter tous les jeudis l’office du Saint Sacrement au lieu de l’office du jour (45). La chapelle est rénovée dès cette époque : c’est en 1685 que Del Cour y commence ses premiers travaux (46). C’est dès 1685 aussi qu’est ébauchée l’adoration du jeudi puisque le P. Jacques Coret, de la Compagnie de Jésus, écrit dans une préface datée de 1693 : « Il y a neuf ans que j’ay l’honneur d’y précher tous les premiers jeudis du mois, à cause de l’Adoration spéciale que l’an 1686 on y établit ces jours-là, et qu’on continua depuis tous les jeudis de l’an » (47). Ses prédications plurent tellement qu’on lui demanda de prêcher durant l’Octave de la Fête-Dieu en 1693, en présence du prince-évêque, et qu’il fit imprimer son cycle de prédications en 1694. En 1707, Del Cour finit les médaillons de marbre; Fisen acheva ses tableaux en 1710. L’année précédente le chapitre demanda et obtint le renouvellement de l’agrégation de la Confrérie à l’Archiconfrérie romaine (48).

Que se passa-t-il jusqu’au nouveau règlement de 1723 ? Pourquoi n’a-t-on aucun registre entre 1694 et 1723 ? Comment en est-on arrivé au petit nombre de confrères, triés sur le volet, comme cela apparaît en 1723 dans le registre commencé alors (49) ? La réponse est peut-être à chercher justement dans la nouveauté qu’introduisit l’adoration tous les jeudis. En effet, cette forme de piété promise à un bel avenir, – on va le voir, – n’exige plus la présence de confrères portant un cierge, participant à des processions ou à une messe par mois; elle s’adresse à tous indistinctement et ne demande aucune compétence : il suffit d’être là. Or, cette adoration prit toujours plus d’ampleur : elle supplanta en attraction l’eucharistie mensuelle du 3e dimanche; dès 1713, en effet, le chanoine Ballen institue une Fondation pour l’adoration du Saint Sacrement le jeudi (50). Cette pratique continua à s’amplifier tout au long du siècle et supplanta la confrérie. D’autre part, la présence de jansénistes dans le chapitre a-t-elle pu engager les chanoines à moins promouvoir la communion fréquente, mais plutôt l’adoration eucharistique ? En 1698, le chanoine Bernard de Charneux était janséniste, il mourut en 1714; jansénistes, les chanoines Lhonneux (1713) et Lejeune. Le chapitre n’accepta, d’ailleurs, la Constitution Unigenitus qu’en 1740 (51). L’influence janséniste est difficile à évaluer, mais plausible.

La confrérie devient donc un groupe restreint et honorifique, qui accueille en son sein le Roi de France, la Reine, les enfants royaux et le Cardinal de Fleury (1738). Tout ceci a demandé une mission à Paris (52). De même, en 1739, les chanoines de Saint-Martin de Tours sont reçus dans la confrérie -par courrier- en remerciement des reliques qu’ils ont données (53). Le jubilé de 1746 donne l’occasion de rénover la décoration de la chapelle du Saint-Sacrement, mais n’a pas l’air d’être organisé par la confrérie. La publication à Liège en 1755 du Recueil des prières à l’honneur du Très-Saint-Sacrement révèle que le public du jeudi a besoin de livres de prière. On est bien dans l’attente d’une promotion de cette adoration. En fait, elle est déjà à l’œuvre.

  1. L’Adoration perpétuelle

En effet, depuis le jubilé de 1746, le chanoine Gilles de Hubens (1712-1780) pensait à étendre cette pratique de l’adoration à tous les jours de la semaine. Il désirait « une association, dont les membres, en s’engageant à consacrer tous les ans une heure à l’Adoration du Saint Sacrement, lui assurassent des Adorateurs et des hommages perpétuels » (54). Une telle association n’est plus une confrérie au sens propre : il s’agit plutôt d’une organisation qui planifie l’adoration; ce projet rationalise la dévotion, tout en exigeant un minimum : « Il ne s’agit pour cela que d’avoir une heure en toute l’année et la passer en prières mentales ou vocales devant le très-Saint Sacrement » (55). « Qu’est ce qu’une heure sur 8720 dont est composée l’année ordinaire » (56) ? Cette dévotion permettait, d’autre part, de mobiliser chaque chrétien, où qu’il soit, quoi qu’il fasse. Mais pour une seule heure par année, « on participe à des milliers d’heures d’adoration que font (…) les autres associés » (57).

Cette initiative demandait cependant une grosse organisation; et elle supposait qu’on attribue les indulgences de la confrérie aux membres de la nouvelle association. Après de nombreux insuccès, tout se réalisa en 1765, grâce à l’appui du prince-évêque Charles-Nicolas d’Oultremont. Celui-ci donna son approbation écrite le 13 juillet 1764 et érigea l’Association le 4 aout 1765. Il obtint du pape Clément XIII d’unir l’Association à la Confrérie (58); le pape ajouta même de nouvelles possibilités d’indulgences plénières (4 décembre 1765). C’est le nouveau prince-évêque François-Charles de Velbruck qui transmit à Saint-Martin cette décision (59). La collégiale devenait ainsi « le centre de la Confrairie, non-seulement pour le pays de Liège, mais encore pour ceux qui sont déjà ou qui seront admis dans ladite Confrairie, sans distinction ni de pays, ni de condition, et sans qu’ils soient tenus de se rendre à Liège ». L’avantage de cette association, c’est qu' »il n’est question ni d’administrateur, ni de Maître, ni de Trésorier, ni d’aucun autre Officier (…); elle n’exige aucune dépense et (…) tous les membres y sont égaux (60). » Il fallait cependant diverses publications pour la diffuser : c’est ainsi que parurent à Liège coup sur coup cinq ouvrages : une explication de la naissance et des objectifs de l’Association (61), un livret avec les mandements et le texte d’un office (62) et trois manuels pratiques pour l’adoration (63). On imprima aussi des fiches d’inscription, où l’on devait écrire le jour et l’heure choisie; des diplômes d’inscription pour les paroisses ou couvents qui le demandaient; des feuillets avec texte de méditation ou chant (64) et un calendrier, c’est-à-dire une grille des paroisses du diocèse avec le jour d’adoration qui leur est attribué (65). Entre 1777 et 1781, parurent deux ouvrages décrivant l’Association (66), ainsi qu’un livre de piété (67).

Le succès de l’Association est indiscutable. Elle répond bien à la sensibilité du temps, par son idée de large diffusion, de piété efficace mais peu exigeante. Cependant, la belle construction s’écroula avec la Révolution.

  1. Échos de la Fête-Dieu

Entretemps, les offices solennels n’avaient fait que croître, attirant la grande foule à Saint-Martin. Chaque année on célébrait avec faste l’Octave de la Fête-Dieu. Des affiches imprimées sont parvenues jusqu’à nous et rappellent le déroulement (68). Ainsi, en 1760, l’Octave commençait le mercredi, à 2h30 par les vêpres de la veille puis les complies et le Salut avec la bénédiction du Saint-Sacrement. Le jeudi, jour de la fête, commençait par une messe solennelle à 9h30, suivie de la procession « à laquelle on prie tous les devots de vouloir assister avec leurs flambeaux »; après midi, à 3h., vêpres suivies de la prédication (par Mr Hougardys, bénéficier de Saint-Martin), puis complies et bénédiction du Saint Sacrement. Tous les jours de l’Octave, on a la prédication à 7h30 et on chante le dernier salut à 7h30 du soir. Les prédicateurs sont annoncés : vendredi, le R.P. Pannée, Minime; le samedi, le R.P. Dumoulin, Récollet; le dimanche, le chanoine Vallez; lundi, chanoine Rendeux; mardi, chanoine Thiry; mercredi, R.P. Marechal; jeudi, jour de l’Octave, chanoine Hamoir.

La procession a été joliment décrite en 1777 : « Le lendemain l’Evêque & prince de Liege célebra pontificalement la grand-messe dans la collégiale de S. Martin, où le très illustre chapitre de S. Lambert s’étoit rendu. La grand-Messe fut immédiatement suivie de la procession. Son Altesse y porta le S. Sacrement. On y vit avec l’illustre chapitre de S. Lambert, Messieurs les Abbés Réguliers & tout le clergé tant séculier que régulier, lequel est très nombreux à Liège : le Grand Mayeur, les Bourguemaîtres Régens, le corps des Echevins & du Magistrat, le corps de ville, tout ce qu’il y avoit de distingué par le rang & la naissance; un peuple infini & de la ville & des environs suivoit la procession avec une multitude d’étrangers que le bruit de la cérémonie avoit attiré à Liege. Les confreres de l’Archiconfrairie marchoient après les religieux mendiants chacun tenoit un flambeau, ainsi que Mrs les Chanoines, les Abbés Réguliers, & ceux du clergé séculier : rien ne fut négligé pour donner de l’éclat à cette cérémonie très-auguste par elle-même. C’étoit l’intention du digne pasteur qui y présidoit, chacun se fit un devoir d’y contribuer; Messieurs du Magistrat se surpassèrent eux mêmes par l’élégance & la richesse du reposoir qu’ils firent dresser devant la maison de ville, où la procession se rendit de S. Martin par la rue Sauveniere pour retourner à S. Martin par les freres Mineurs & Sainte Crois : mais ce qui fit le plus bel ornement de cette cérémonie ce fut l’ordre, la décence, la modestie qui y régna. Il étoit aisé de juger que se conformant aux sentiments du pasteur tout le troupeau pensoit à réparer les outrages que J.C. a reçus & reçoit tous les iours dans le Sacrement de son amour. Je ne parle point des décharges multipliées de canons qui accompagnèrent & la grand-messe & la procession, je ne dis rien ni de la musique dont l’harmonie avoit quelque chose de ravissant, ni de la manière dont on avoit décoré tous les endroits par où la procession devoit passer, non plus que du son des trompettes & des tymbales. Il suffit de dire qu’il ne manqua rien à la pompe de ce triomphe décerné au cors adorable de J.C. & de cette amende honorable… » (69).

Les canons de la Révolution seront moins pacifiques ! Mais la confrérie du Saint-Sacrement résistera. Tandis que la collégiale est transformée en Temple de la jeunesse et de la victoire (1796), quelques chanoines transfèrent dans la petite église de Saint-Remacle-en-Mont le siège de l’Archiconfrérie du Saint-Sacrement et de l’Association de l’Adoration perpétuelle. Ils y célèbrent la Fête-Dieu (70). Leur ténacité sera récompensée. Dès 1811, la confrérie publie fièrement le Tableau de ses membres (71). Elle continuera fidèlement son activité durant tout le XIXe siècle, avec des registres bien tenus, l’organisation du jubilé de 1846 et des Fête-Dieu annuelles. Il reste à en faire l’histoire !

Actuellement, le dernier règlement date du 5 décembre 1940 et est signé de l’évêque de Liège, Mgr L.J. Kerkhofs. Il reprend les objectifs premiers de la confrérie et définit les compétences des directeurs (72).

Conclusion

La fondation de la confrérie en 1575 a coïncidé avec l’achèvement des travaux de la collégiale. Elle a réussi à donner à cette église un public, une fréquentation nombreuse; elle est la manifestation concrète de la Réforme spirituelle qu’a voulue le Concile de Trente (1545-1563). Les laïcs sont mobilisés dans des structures d’Église, contrôlées par le clergé. La dévotion proposée est baroque, visible, émouvante. Son succès ira grandissant; elle se greffera d’autant mieux sur la collégiale qu’elle y attirera un double public : local, d’une part; élitiste, de l’autre. À travers des réseaux serrés de relations professionnelles et familiales, des gens se rencontrent et forment un groupe, nombreux et mouvant. Par lui, les chanoines s’intégraient dans la société, et la société s’intégrait dans l’Église. Le XVIIIe siècle verra cet équilibre se métamorphoser, au profit d’une confrérie très élitiste dissociée d’une dévotion large mais fragile. Le XIXe siècle verra sa renaissance, beaucoup plus masculine qu’avant. Par contre l’après-guerre n’a guère suscité de renaissance au XXe siècle, jusqu’à nouvel ordre…

NOTES

1 – La matière de cet article a été préparée au Séminaire d’histoire de l’Eglise, tenu au Grand Séminaire de Liège en 1985; puis par le travail de Luce Frippiat et Nadia Vilenne à la paroisse Saint-Martin Ce m’est un plaisir de remercier ici ces étudiants pour leur travail. L’étude des confréries dans le diocèse de Liège a été esquissée par l’abbé A. DEBLON dans deux articles : Les confréries érigées en 1671 dans le diocèse de Liège, in Leodium, 61 (1975-1976), p. 35-39, et Premier bilan d’une enquête sur les confréries dans le diocèse de Liège au XVIIIe siècle, dans XLVe congrès de la Fédération des cercles d’archéologie et d’histoire de Belgique. Congrès de Comines, 28-31-VIII.1980, Actes, t.III, p. 209-214. Une étude importante a été consacrée à la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Martin-en-Ile; les résultats en ont été publiés : Henry DIETERICH, Une confrérie paroissiale à Liège, 1457-1538, dans Leodium, 66 (1981) p. 1-25. On trouvera dans l’introduction de ces articles la mention des ouvrages de référence pour l’étude des confréries en Europe.

2 – J. CRULS, Le saint Sacrement et l’église Saint-Martin à Liège, Liège, 1881, p. 127-128. Il est suivi à ce sujet par G. BARBIERO, Le confraternite del santissimo sacramento prima del 1539, Trevise, 1941.

3 – LE RUITE, p. 258 à 280 (traduction française); BERTHOLET, 1746, p. 230-237 (français) et XLI sv. (latin); 1781, p. 133-139 et XXIII-XXXIII; 1846, p. 87-91 et XIV-XXI. Originaux aux AEL, Collégiale Saint-Martin, chartes 853ter et 863bis, recensées par SCHOONBROODT sous les n¡ 785 et 786, du 22 décembre 1573.

4 – BERTHOLET, 1781, p. XXXII.

5 – LE RUITE, p. 297-298 : L’Estat, les loix et conditions de la Confraternité (…) 1575.

6 – LE RUITE, p. 304-305; BERTHOLET, 1746, p. LV.

7 – Delvaux, d’après Langius; cf. ACSM, III C 20 , Les décanats, p. 52.

8 – LE RUITE, p. 249-250.

9 – LE RUITE, p. 316.

10 – Rappelons que l’indulgence est la dispense des peines temporelles imposées par l’Eglise suite à un péché, dont le pénitent a demandé et obtenu le pardon. Les peines temporelles étaient très sévères dans l’Eglise primitive : ce pouvaient être dix ans de pénitence ou plus. L’indulgence consiste à dispenser le pécheur de cette peine, et à lui reconnaître cependant les mêmes mérites que s’il l’avait accomplie. Cette dispense se fait par communion avec les mérites de Jésus et de tous les chrétiens. Donc attribuer dix ans d’indulgences ne signifie pas raccourcir de dix ans le séjour au purgatoire; mais attribuer autant de mérites à quelqu’un que s’il avait accompli dix ans de pénitence pour son péché. L’indulgence plénière signifie qu’on dispense le pécheur de toutes les peines que son péché aurait pu lui valoir. Cf. BERTHOLET, 1746, p. 242-244.

11 – BERTHOLET, 1746, p. 237-238.

12 – BERTHOLET, 1746, p. 249-251.

13 – BERTHOLET, 1746, p. 251 et LV-LVI.

14 – BERTHOLET, 1746, p. 239 et LVII.

15 – L’estat, les loix et conditions de la confraternité…, 1575, dans LE RUITE, p. 296-304. Ordonnance de 1627, dans BERTHOLET, 1746, p. 245; 1781, p. 136; 1846, p. 89. Règlement de l’archiconfrérie du très Saint-Sacrement, Liège, 1723, p. 1. Id. dans BERTHOLET, 1746, p. 247; 1781, p. 137; 1846, p. 90.

16 – LE RUITE, p. 298.

17 – LE RUITE, p. 259. Cf. aussi BERTHOLET, 1746, p. XLI sv.

18 – Règelement …, 1723, p. 1.

19 – La forme et manière de recevoir et admettre ceux et celles qui voudront estre de la Confraternité (…), dans LE RUITE, p. 289.

20 – LE RUITE, p. 291.

21 – L. LAHAYE, Les paroisses de Liège, dans BIAL, 46 (1921), p. 119-121.

22 – LE RUITE, p. 298.

23 – LE RUITE, p. 300.

24 – Règlement, dans BERTHOLET, 1746, p. 248.

25 – LE RUITE, p. 224-255.

26 – LE RUITE, p. 299.

27 – LE RUITE, p. 301-302. La description de cette célébration est transcrite, ici même, dans M. LAFFINEUR-CREPIN, La chapelle du Saint-Sacrement, note 6.

28 – LE RUITE, p. 303.

29 – BERTHOLET, 1746, p. 245; 1781, p. 136; 1846, p. 89.

30 – BERTHOLET, 1746, p. LX; 1781, p. XXXVI; 1846, p. XXI.

31 – BERTHOLET, 1746, p. LX; 1781, p. XXXVI; 1846, p. XXI.

32 – ACSM, Fonds Confrérie du Saint-Sacrement, intitulé Laudetur sanctissimum Sacramentum. Cuius venerabilis confraternitatis Confratrum inscriptorum anno 1656 sequuntum nomina, 30 x 30 cm, 380 p. Les inscriptions y sont notées jusque 1694. A la fin du registre sont notées les listes des chanoines de Saint-Martin et des moines de Saint-Laurent de 1657 à 1685.

33 – M. HUISMAN, Essai sur le règne du prince-évêque de Liège Maximilien Henri de Baviere, Bruxelles, 1899.

34 – DEBLON, Premier bilan…, p. 212.

35 – G. SIMENON, Visitationes archidiaconatus Hasbaniae in diocesi Leodiensi ab anno 1613 ad annum 1763, Liège, 1939, 2 vol.

36 – K.H. CALLES, Les ermites dans le diocèse de Liège aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans Fédération …d’histoire et d’archéologie de Belgique, 44e Congrès, Huy, 1976, p. 46.

37 – Chanoines de Saint-Martin notés dans les listes du registre de la Confrérie : ALEXANDRE Nicolas, 1666, 1669. AUX BREBIS Jean, 1657. BAERTS Arnold, 1657, 1659, 1662, 1669. BLISIA Ernest Godefroid, 1657, 1659. BLISIA Matthieux, 1659, 1662, 1669. BOESMANS Jean, 1672, 1677, 1685, élu doyen le 26 janvier 1692, protonotaire apostolique. BOUHON Erasme Frédéric, 1680, sclolasticus 1685 . BOUFFEUX Jean, 1680, + 5 novembre 1694. BRASSEUR Gérard, 1657, 1659, 1662, 1669 . BUTBACHT Arnold, 1657, 1659, 1662. de CHARNEUX Bernard, 1677, 1685. CHASTELET (CHASTELLAIN) Henri, 1657, 1659. COLLART Lambert, 1685 . CONINCK Charles Denis, 1657, 1659, 1662, 1669. CORSWAREM Lambert, 1672, 1677. COUNE Renier, 1670, 1685, + 5 novembre 1688. DANS Jean, 1657, 1659, élu custos en 1656. DE CERF Arnold, 1666. DEL COUR Walthère, 1657, 1659, 1662, 1665, 1669, 1677, 1685. DE PRE Paulus, 1685. DIRRIX Bartholomeus Guill., 1669, 1677, 1685, + 15 novembre 1697. DONEUX Natalis, 1657, 1659, 1662, 1667, 1669, 1677, 1685 . ERNOTTE Petrus Thomas, 1685, 1694 . ERNOTTE Ludovic, 1683, 1685. d ‘ EYNATTEN Arnold Ludovic, 1657, 1659, 1662, 1669, 1677, + novembre 1691. de FLERON Deodat Mellin, 1679. de FLERON Ferdinand, 1657, 1659 . de FLERON Guilleaume, 1662, 1669. GRATIA Georges François, 1685. HARZEUS Ernest, 1679, 1685, 1667. HARZEUS Gilles Aegidius, 1659, 1662, 1669, 1679. HENCART Henry, 1678, 1685, Protonotaire apostolique, directeur de la confrérie du Saint-Sacrement, 1686. d’ ISIER Guilleaume, 1669, 1677. A LAPIDE (VANDENSTEEN) Gilles François, 1657, 1659, 1662, 1669. LE ROND Gabriel, 1677, 1685. LE ROND Micha‘l, 1657, 1659, 1662, 1669. L’ESPINEUX Baulduin, 1657. de MEAN Guilleaume, prévôt, mort en 1695. de MEAN Jean Ernest, 1659, 1662, 1669, 1677, 1685. de MEAN Philippe, 1657, 1659, 1662, chanoine de la cathédrale 1669. MENTEN Arnold, 1657, 1659, 1662. MERGNIER Henry, 1656. MONSEN Denis, Mathieu Denis, 1669, 1677. MONSEN Matthias Herman, 1685. de MONTFORT Anthonius, 1666, 1669, 1677, 1685. ORBAN Gerard, 1688, 1691. PEX Henri, 1659, 1662. PLAYOULE Jean, 1657, 1659, 1662. ROSMARIN Jean, 1663, 1669, 1677, 1683. ROUERXE Jean Pierre, 1667, 1666, 1669, 1677, + 19 septembre 1691. RENIER Lambert, 1692. SALMS Henri, 1677, 1685, + aoét 1690. A SARTO Thomas Godeus, 1657, 1659, 1662, 1669, 1677, + 15 aoét 1682. de SCLESSIN Thomas, 1656-1664, 1674, + 3 mars 1678. SCRONX Jean François, 1657, 1659, 1662, 1669, 1677, 1685. SCRONX Guilleaume, 1657, 1659, 1662, custos 1669. SELYS Jean, 1657, 1659, 1662, 1669. de STOCKEM Herman, 1656. de TRIXHE (WOET) Charles, 1685. de TRIXHE Guillaume, 1693. de TRIXHE Lambert, Théodore, 1657, 1659, 1662, 1669, 1685, custos 1677. de VILTER Gerard Hieronyme, scholasticus 1657, 1659, 1662. WAHA Ludovic Gerard, 1679, 1685. WOCHT Maximilien Henri, 1679, 1685. VAN ROYE Godefroid, 1656.

38 – C. de BORMAN, Les avocats de la cour spirituelle de Liège, de 1604 à 1794, dans BIAL, 21 (1888), p. 159-236. Cf. aussi Description du rapport des vitriers et bonniers tant de la cité que villages circonvoisins, Liège, 1651.

39 – ACSM, III C 20, Les décanats, p. 58.

40 – C. de BORMAN, Les échevins de la souveraine justice de Liège, Liège, 2 vol., 1892-1899. Y. MOREAU, Les bourgmestres de Liège au XVIIe siècle : provenance et biographie sociale d’une arisocratie à la fin de l’Ancien Régime, Heule, 1978.

41 – Voir e.a. X. de THEUX, Le chapitre de St Lambert à Liège, Bruxelles, 1871, p. 284, 326 sv. ; E. PONCELET, La Seigneurie de Saive, dans BIAL, 22 (1891) p. 251-434; P. HARSIN, Les relations extérieures de la principauté de Liège sous Jean-Louis d’Elderen et Joseph-Clément de Bavière (1688-1718), Liège, 1927, p. 432-443;.A. DUBOIS, Le chapitre cathédral de Saint-Lambert à Liège au XVIIe siècle, Liège, 1949, p. 13, 33, 94 .

42 – AEL, Collégiale Saint-Martin, 477 bis.

43 – LE RUITE, p. 256.

44 – ACSM, III C 8, Rapport de l’évêque-suffragant L.F. ROSSIUS de LIBOY envoyé à Rome en 1700, publié par CRULS, o. c., p. 168-178 et 143-145.

45 – Ibid.

46 – Cf. ici même la contribution de M. LAFFINEUR-CREPIN relative à la chapelle du Saint-Sacrement.

47 – J. CORET, Les merveilles arrivées dans le ciel et sur la terre à l’institution de la feste du très-Saint-Sacrement, prêchées à Liège par le Père Coret, Liège, Danthez, 1694, p. X.

48 – Texte dans BERTHOLET, 1746, p. LXIII à LXIX.

49 – AEL, Collégiale Saint-Martin, 477 bis.

50 – ACSM, III C 20, Les décanats, p. 60.

51 – Ibid., p. 62, selon J. DARIS, et p. 66. Cf. aussi B. DEMOULIN, Politique et croyances religieuses d’un évêque et prince de Liège. Joseph-Clément de Baviere (1694-1723), Liège, 1983, p. 222-223.

52 – Correspondance à ce sujet dans ACSM, III C 8, dont une lettre originale. Texte publié dans BERTHOLET, 1746, p. LXILXII. Cf. aussi ACSM, III C 20, Les décanats, p. 62.

53 – BERTHOLET, 1746, p. LXXXIV.

54 – Abrégé historique de l’institution des illustres confrairies de l’adoration perpétuelle…, Liège, 1781, p. 194.

55 – Office de l’adoration perpétuelle…, Liège, 1766, p. 3.

56 – Abrégé…, p. 205.

57 – Ibid., p. 206.

58 – Ibid., p. 197-199. Office…, p. 31.

59 – Abrégé…, p. 195. Office…, p. 44-49.

60 – Abrégé…, p. 198.

61 – L’auguste archi-confrérie de l’adoration de Notre-Seigneur Jésus-Christ au très Saint Sacrement de l’autel, Liège, 1765.

62 – Office de l’adoration perpétuelle de Jésus-Christ au très-Saint Sacrement de l’autel, Liège, 1766.

63 – Instructions et prières pour l’adoration perpétuelle, Liège, 1766; Exercice de piété pour remplir l’heure destinée à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, Liège, 1767; Manuel à l’usage des confrairies et de l’adoration perpétuelle du Très-Saint Sacrement…, Liège, 1768.

64 – ACSM, III C 8.

65 – Calendarium sive ordo annuus pro adoratione perpetua sanctissimi sacramenti in ecclesiis Parochialibus Patriae et Dioecesis Leodiensis, Liège, Bourguignon, 1772; Calendrier de l’année 1772 pour l’adoration perpétuelle des paroisses du diocèse de Liège, Liège.

66 – L’eucharistie vengée ou l’adoration perpétuelle, Louvain, 1777; Abrégé historique…, ajouté à la nouvelle édition de BERTHOLET, 1781.

67 – Trésors eucharistiques, Liège, 1779.

68 – ACSM, III C 8.

69 – L’eucharistie vengée…, p. 61-62.

70 – ACSM, III C 20, Les décanats, p. 74.

71 – Tableau de l’Archi-confrérie du très-saint Sacrement établie en l’Eglise de St. Martin à Liege (…) dressé le 15 mai 18, Liège, Dessain, 1811.

72 – ACSM,. III C 8.

57       Charte du 22 décembre 1573

Document sur vélin enluminé et muni d’un sceau renfermé dans une boîte.

Ce document est daté de Rome, de l’église Sainte-Marie-sur-Minerve, où avait son siège l’archiconfrérie du Saint-Sacrement fondée en 1539 par Paul III. Le cardinal Alexandre Farnèse, protecteur de l’archiconfrérie, et les évêques Ascagne, Hippolyte Arridabenus et François Odescalchi, administrateurs de la confrérie, donnent au chapitre de Saint-Martin copie officielle de leur bulle de fondation (30 novembre 1539) et du Motu Proprio du même pape invitant à fonder partout dans le monde des confréries du Saint-Sacrement affiliées à celle de Rome et jouissant des mêmes avantages. La copie est demandée par Augustin de Bloquerie, et destinée au chapitre de Saint-Martin pour la confrérie qu’il désire ériger en son église.

AEL, Collégiale Saint-Martin, charte 853 ter.

Bibl.: Publiée par BERTHOLET, 1746, p. XLI à LI; 1781, p. XXIII-XXX; 1846 p. XIV-XVIII. SCHOONBROODT, p. 237, n¡ 786.

58       Charte du 22 décembre 1573

Original sur vélin, enluminé et muni d’un sceau brisé renfermé dans une boîte.

Datée de Rome et fournie par les mêmes administrateurs de l’Archiconfrérie du Saint-Sacrement, cette charte donne copie des indulgences accordées le 4 aoét précédent par Grégoire XIII à l’archiconfrérie et à ses filiales.

Ce document et le précédent furent confiés le 8 mars 1575 à Augustin de Bloquerie pour le chapitre de Saint-Martin.

AEL, Collégiale Saint-Martin, charte 863 bis.

Bibl.: Publiée par BERTHOLET, 1746, p. LI-LV; 1781, p. XXX-XXXII;1846, p. XVIII-XIX. SCHOONBROODT, p. 236, n¡ 785.

59       Lettre de Louis XV, roi de France,

acceptant le titre de protecteur de la confrérie du Saint-Sacrement.

Lettre datée de Versailles du 7 septembre 1738, adressée au doyen et au chapitre de Saint-Martin, signée Louis, avec sceau.

Ecriture archaïsante de la chancellerie royale.

L’élection du doyen Tilman Dossin le 9 décembre 1737 inaugura une période faste en public-relations pour la confrérie. En effet, le 27 juin 1738, le ministre français résidant à Liège fait savoir au chapitre que le roi accepterait de porter le titre de protecteur de la confrérie et la reine celui de protectrice. En remerciement, le doyen et le chanoine Le Rond se rendent à Paris pour offrir à la Reine une relique de sainte Eve enfermée dans un cœur d’argent. Le Roi accepta de déclarer par écrit : Nous nous sommes portés volontiers à condescendre au Désir que vous avez marqué avoir qu’il nous plét d’accepter le titre de Protecteur de la Confrairie du St Sacremen de l’autel érigée dans votre Eglise (…) La Reine fit de même, les enfants royaux, le cardinal de Fleury aussi. On inscrivit le ministre des affaires étrangères Barbençon et les chanoines de Tours. L’archevêque de Cambray et le cardinal de Tancin se virent supplier avec les plus profonds respects de ne pas désagréer de s’y faire inscrire.

ACSM, III C 8.

Bibl.: Publiée par BERTHOLET, 1746, p. LXI-LXII; 1781, p. XXXVI-XXXVII; 1846, p. XXI-XXII. Le récit du voyage de Le Rond à Tours est publié dans l’édition de 1746 uniquement, p. LXIX-LXXVII. Cf. aussi ACSM, III C 20, Les décanats, p. 62.

60       L’Auguste archi-confrérie de l’adoration de Notre-Seigneur Jésus-

Christ au Très-saint Sacrement de l’autel

Liège, 1765, 37 p.

Destiné à présenter la nouvelle fondation de l’Association pour l’adoration perpétuelle, cet ouvrage a été probablement rédigé par son instigateur, le chanoine Gilles Jacques de Hubens, élu doyen en 1777. Il présente l’historique de la pratique de l’adoration continue et explique les objectifs de l’Association qu’il a fondée. L’ouvrage sera réimprimé en 1781, à la suite de la 2e édition de BERTHOLET, sous le titre d’Abrégé historique de l’institution des illustres confrairies de l’Adoration perpétuelle, avec une biographie de Hubens, mort en 1780, par Romsée, professeur au Séminaire de Liège.

ACSM, VIII D 11.

61       Tableau de l’archi-confrérie du très-saint Sacrement, Etablie en l’Eglise

de St. Martin à Liège; et décorée du beau titre de prééminence, qui la      distingue, par décret apostolique de l’an 1575

Liège, H. Dessain [1811], 20 p.

L’intérêt de cet ouvrage est double. D’une part, il montre la renaissance de la confrérie après la Révolution et explique son intérêt et son fonctionnement; il fournit en annexe une liste de membres intitulée Tableau des confrères et des consœurs de l’archiconfrérie du Très-St. Sacrement, érigée en l’Eglise primaire de St. Martin à Liège, pour l’année 1820, Liège, H. Dessain, 1820, 20 p. D’autre part, il utilise un bois gravé de 1559 pour imprimer un frontispice représentant un ostensoir-tourelle, entouré de grappes de fruits et de deux blasons, et surmontant l’inscription .Ecce.panis. angelorum-1559. Le fait curieux est que ce bois date d’avant la fondation de la confrérie (1575). De plus, l’ostensoir représenté, tout en se conformant aux modèles connus, est cependant caractérisé par l’absence de tout personnage entre les colonnettes : le décor se limite à des motifs architecturaux et des pots-à-feu. Il pourrait fournir un repère intéressant pour une période dont aucun témoin liégeois n’est conservé 1.

ACSM, VIII D 44.

1P. COLMAN, L’orfèvrerie religieuse liégeoise du XVe siècle à la Révolution, Liège, 1966, 1, p. 132-133 et 2, fig. 131.