Mardi 4 – Messe par Mgr Jean-Pierre Delville.
Basilique Saint-Martin, Rue du Mont St Martin 64, 4000 Liège
Fête de la bienheureuse Eve de Saint-Martin
4 juin: fête de la bienheureuse Eve de Saint-Martin, reportée le lendemain si le 4 est un dimanche.
18h: Messe de la bienheureuse Eve de Saint-Martin
La bienheureuse Ève de Saint-Martin ou Ève de Liège, morte en 1265, était une recluse de la principauté de Liège qui, avec Julienne de Cornillon, est à l’origine de la Fête de l’Eucharistie ou Fête-Dieu. Ève de Liège a été déclarée bienheureuse par l’Église catholique, le 1er mai 1902, qui la commémore le 4 juin (particulièrement au diocèse de Liège). La 1° Eucharistie, depuis longtemps, en l’honneur d’Eve de Saint Martin fut organisée en la collégiale, le 16 mars 2015 à l’initiative du Mouvement Eucharistique Liégeois.
Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, qui fut vicaire à saint-Martin, professeur d’histoire UCLouvain et expert de l’histoire de la Fête-Dieu, nous rappelle le rôle de la recluse Eve qui accompagna et encouragea sainte Julienne de Cornillon, puis promu l’institution universelle de la Fête-Dieu après son décès. Mgr Delville nous invite surtout à vivre de plus en plus dans l’amour qui animait ces deux saintes pour Jésus-Eucharistie et pour l’adoration eucharistique.
En effet, inspirée par deux Liégeoises, sainte Julienne de Cornillon et la bienheureuse Ève de Saint-Martin, la Fête-Dieu honore tout particulièrement la présence du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie. Comme l’écrit le bientôt bienheureux pape Paul VI, dans son encyclique de 1965 Mysterium Fidei : De cette foi unique est née également la Fête-Dieu; elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, la Bienheureuse julienne de Mont Cornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Église universelle (n°66).
Qui était la bienheureuse Eve de saint-Martin ?
Résumé de la conférence donnée le lundi 5 juin 2023 à la basilique Saint-Martin, par mgr Jean-Pierre Delville.
Ève de Saint-Martin est née vers 1205, plus âgée de 15 que sa grande amie et guide spirituelle de sainte Julienne. Elle semblait avoir des moyens financiers vu qu’elle avait offert une maison de secours à Julienne et qu’elle avait une servante. Elle avait bénéficié d’une éducation privilégiée avec sa maîtrise du latin.
Petit à petit, Ève-enfant fréquente Julienne. Toutefois. elle ne s’oriente pas vers les soins. Cela est peut-être la conséquence de son handicap de mobilité avec ses jambes courbées et sa petite taille de 1,6 mètres.
On connait peu de chose de sa vie. Ève est proche des milieux béguinaux en plein essor à Liège au xiiie siècle et qui ont entre autres caractéristiques, outre l’ascèse et une propension au mysticisme, une dévotion particulière pour l’eucharistie, dévotion qui se développera bientôt dans toute la chrétienté. La principale source d’information la concernant est la « vita de Julienne », écrite vers 1261 par un auteur anonyme. Elle se base sur les souvenirs « d’une personne fort religieuse ». On suppose qu’il s’agit d’Eve, d’autant que la vita a été validée par le Chanoine Jean de Lausanne. Les cisterciens de Villers-la-Ville ont accueilli la dépouille de Julienne et ont probablement aussi contribué à la vita. Julienne y est décrite comme une martyre et l’épouse du Christ.
Eve devient recluse près de la collégiale Saint-Martin de Liège sous la règle cistercienne, à l’instigation de la mystique Julienne de Cornillon auprès de laquelle elle semble avoir joué le rôle de confesseur. Recluse dans une construction avec un étage adossé à la basilique Saint-Martin, Ève a bien connu les chanoines Jean de Lausanne et Étienne de Chalon. Elle fréquenta aussi le vicaire général du diocèse : Jacques de Troyes. Celui-ci publie un édit constituant et protégeant la vie des femmes religieuses vivant chacune chez elles, les béguines.
Ève et Julienne reçoivent la visite de l’évêque de Cambrai Gui de Laon accompagné du nouvel évêque de Liège Robert de Thourotte. C’est probablement sous l’impulsion des deux mystiques que la première Fête-Dieu est célébrée en 1246 par Robert de Thourotte.
Formation et jeunesse d’Eve
La Vita 24 raconte que la puela (enfant) Ève avait développé une amitié avec Julienne, une religieuse plus âgée. Lorsque Ève visita Julienne malade, elles invoquent ensemble la Trinité.
Julienne, maîtresse de vie
Julienne a visité Ève à Saint-Martin, la veille de la solennité de la dédicace de l’église et logea dans la chambre haute. Julienne a été très émue à la vue de la véronique d’Eve, c’est-à-dire une vraie icône du visage du Christ. Julienne a alors une vision des apôtres Pierre et Paul. Les 2 femmes sont complices.
La vita 29 raconte l’attention de Julienne pour la santé fragile d’Eve. Julienne prophétisa la guérison physique et mentale d’Eve. La vita 30 relate la libération des tracas d’Eve par l’intercession de Julienne.
Julienne est une amie pour Ève
Leur complicité est présente dans les révélations de la Fête du Saint Sacrement. Julienne prophétise les difficultés qu’elle devra affronter et confie à Ève ce qu’elle lit dans les cœurs.
La béguine Isabelle de Huy rejoint le duo. Lors d’une visite à Ève, Isabelle eut une extase et eut la révélation que la fête avait toujours été contenue dans le secret de la Trinité. Julienne remercie saint Martin (Vita II, 19), protecteur d’Eve, des 3 femmes et donc des révélations.
Compagnes dans la prière
Julienne révèle son secret à Ève : « Les préoccupations de mon cœur, dit Julienne, ont pour cause une solennité du Sacrement. Depuis longtemps et jusqu’à ce jour, je n’ai cessé de la porter en mon cœur. Jamais je n’en ai fait part à quelqu’un. Je ne pourrais expliquer en quelques mots ce qu’il m’est donné par Dieu de sentir à ce sujet. Je vous dirai cependant ce qu’il me sera possible chaque fois que vous désirerez quelque information à ce sujet. Cette solennité exista toujours dans le secret de la Trinité». Ayant ainsi commencé à parler, la vierge du Christ raconta dans l’ordre à la recluse le signe de la lune qu’elle avait eu en vision dès sa jeunesse, sa signification, que Dieu lui avait révélée, et ce que le Seigneur lui avait enjoint à ce sujet ainsi qu’on l’a déjà expliqué. Comme elle avait
achevé le cours de son récit qui n’avait pas peu suscité l’admiration de la recluse, celle-ci lui adressa cette demande: «Je vous prie, Madame, de prier le Seigneur pour moi afin qu’il daigne me donner d’éprouver pour ce Sacrement lui-même ce que vous éprouvez». A quoi Julienne répondit: «Je ne le ferai pas, recluse, ce ne serait pas pour votre bien. Votre nature humaine ne pourrait en rien supporter cela sans être amenée à défaillir. Car c’est une chose qui a fortement affaibli mes forces physiques et détruit ma nature humaine. Toutefois, à vous et à ses autres amis, Dieu accordera d’en éprouver le sentiment, pour votre bien et pour le leur, fixant pour vous et pour eux la mesure selon la capacité de vos forces».
Ève devient protectrice de Julienne âgée
Après la mort de l’évêque Robert de Thourotte en 1246, Julienne est confrontée à une forte opposition de la bourgeoiseie locale, du clergé et du nouveau prince-évêque Henri de Gueldre, méfiants à l’égard du mouvement béguinal tenu par certains pour hérétique. Ève envoie sa servante pour l’annoncer à Julienne qui doit s’exiler à Namur puis à Fosses-la-Ville où elle s’éteint en 1258. Elle n’est donc pas présente quand la fête est rétablie par un légat pontifical, le cardinal Hugues de Saint-Cher, et célébrée pour la première fois à Liège, à Saint-Martin en 1252 où il est probable qu’Ève, restée à Liège, ait été présente. Ève prend le relais pour porter le projet de la fête.
Ève semble avoir poursuivi la mission de Julienne après la mort de celle-ci : elle est en relation avec Jacques Pantaléon, archidiacre de Liège de 1230 à 1250, qui devient pape sous le nom d’Urbain IV. Ce dernier lui envoie une missive le 8 septembre 1264 pour l’informer de l’institution de la Fête-Dieux par la bulle Transiturus de hoc mundo promulguée le 11 août précédent et dont l’Office a été rédigé par Thomas d’Aquin.
Dans sa lettre, le pape souligne l’attente qui régnait de son temps à ce sujet et spécialement le désir qu’en avait Ève elle-même: « Nous savons, ô Fille (Scimus, o filia), que votre âme a désiré d’un grand désir qu’une fête solennelle du très saint Corps de notre Seigneur Jésus-Christ soit instituée dans l’Église de Dieu […]. Réjouissez-vous aussi parce que le Dieu tout-puissant vous a accordé le désir de votre cœur et que la plénitude de la grâce céleste ne vous a point frustrée de la volonté que vos lèvres avaient exprimée ! » Le pape demande alors à Ève de prier pour lui : « Par vos prières ferventes, insistez auprès de celui qui a laissé sur la terre un mémorial si salutaire de lui-même, pour que, du haut du Ciel, il nous donne la grâce de diriger utilement son Église confiée à notre garde, et de la gouverner pour le bien ».
Le rôle des femmes, Julienne et Ève essentiellement, est donc manifeste dans l’institution de cette fête dédiée au corps du Christ. Leur sensibilité et leur désir ont convaincu le pape. Il semble d’ailleurs que la solennité du Saint-Sacrement soit la seule solennité instituée par un pape dans l’histoire avant le 20e siècle ; et que la lettre adressée par Urbain IV à Ève, une des rares lettres publiques adressées par un pape à une femme – autre que reine.
Ève meurt vers 1265, l’année suivant l’extension de la Fête du Corps et du Sang du Christ en 1264 par Jacques de Troyes, devenu le pape Urbain IV.
Après la conférence, une visite a été effectuée dans la basilique de nombreuses œuvres d’art du « Circuit Bienheureuse Eve de Saint-Martin », dont la chapelle-sud de la basilique saint Martin.
CIRCUIT « Bienheureuse EVE de SAINT-MARTIN »
(dans la basilique saint Martin – Liège)
Voir les numéros sur le plan
1. Peinture dans la chapelle-sud (adjacente à la chapelle des cloîtres) :
« les 3 promotrices de la Fête-Dieu en extase dans la collégiale saint Martin » par Englebert Fissen (1690) ; outre Julienne de Cornillon et Eve de Saint-Martin, Isabelle de Huy.
2. Chapelle saint Julienne de Cornillon :
– (au-dessus à droite de l’autel) statue de la Bse Eve de Saint-Martin
– (contre le mur) grande peinture de Jean Latour (1775) « Eve dans sa cellule de recluse »
3. Statue (+-1945) du pape Urbain IV, ancien archidiacre de Liège (sur une colonne) :
par la bulle de 1264 « Transiturus in hoc mundo », il institua pour l’Eglise universelle la Fête-Dieu qui avait été célébrée pour la 1° fois en 1246 dans cette basilique.
4. Châsse en bois doré de la Bse Eve de Saint-Martin (1878) (dans une vitrine)
5. Monument funéraire en marbre blanc (1622) (au sol) :
la corps de la Bse Eve de Saint-Martin y reposa.
6. Bel ensemble céramique et mosaïque mural (1935) (sur le mur) :
il montre la Bse Eve dans sa recluserie (ermitage), probablement proche de la basilique ; disparue lors des débats considérables commis par les troupes de Charles le Téméraire en 1468 ; la reconstruction de la basilique débuta en 1511.
7. Statue de la Bse Eve (1622) :
Eve montre la Bulle Transiturus ; fait exceptionnel, le 8 septembre 1246, le pape Urbain IV écrivit une lettre personnelle à Eve, accompagnée d’un exemplaire de la Bulle ; ceci indique l’estime qu’avait cet ancien Archidiacre de Liège pour Eve.
8. (ancienne) Chapelle du Saint Sacrement :
– reconstruite avec la basilique au 16° s. et réaménagée à l’époque baroque ;
14 médaillons en marbre blanc incrusté dans des panneaux de marbre rouge de Jean Del Cour (1704-07),
– les 3 vitraux représentent les promoteurs/trices de la Fête-Dieu.
9. Chapelle de la Bse Eve de Saint-Martin :
– châsse en laiton doré (1896) contenant quelques reliques d’Eve,
– un magnifique retable néo-gothique montrant la recluse Eve (1878).
10. Peintures murale du chœur (1902-07) :
sur la table au centre du chœur, on voit des photos et explications :
– dans le registre supérieur : la vie de saint Martin de Tour,
– dans le registre inférieur : les principaux épisodes de l’instauration de la Fête-Dieu.